Vieille Charité : Exposition Jack London
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Inspiré par l’exploit du capitaine Joshua Slocum qui boucle le premier tour du monde en solitaire à la voile en 1898, Jack London décide d'entreprendre à son tour une grande croisière de 7 ans autour du globe. En compagnie d'un équipage réduit, il quitte San Francisco le 23 avril 1907 à bord d'un voilier baptisé le Snarken hommage à un poème de Lewis Carroll. Ayant mis le cap sur les archipels du Pacifique Sud, il découvre alors des sociétés en profonde mutation, du fait de la colonisation, du développement du commerce et des transports maritimes, et de l'action des missionnaires. D’Hawaï aux îles Salomon, au fur et à mesure de sa progression, il rédige des articles relatant l'aventure vécue, ainsi que romans et nouvelles directement inspirés par ce qu'il découvre. Passionné de photographie, il réalise des milliers de clichés destinés à accompagner ses écrits. Il collecte également quantité d'objets d'art océanien, témoins de l'héritage culturel des populations rencontrées. Victime de maladies tropicales, il doit brutalement renoncer à poursuivre le voyage et, la mort dans l'âme, met un terme à la croisière du Snark au mois de décembre 1908, au bout de 19 mois.
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En 1893, la monarchie hawaïenne a été renversée par un coup d'État, initié par une coalition d'industriels et de planteurs blancs. Une république a été instaurée, et l'archipel a finalement été annexé en 1898 par les États-Unis. Devenu officiellement « territoire d'Hawaï » en 1900, il permet au gouvernement américain d'affirmer sa présence dans cette région stratégique du Pacifique. Sa population, cosmopolite, compte une majorité d'Asiatiques, et sa capitale Honolulu connaît un développement rapide dans de multiples secteurs : commercial, militaire et touristique. Lorsque le Snark arrive dans le port d'Honolulu, les London découvrent que, sans nouvelles d'eux depuis leur départ, la presse les a déclarés « perdus en mer » ! Leur présence crée l'évènement. Les membres les plus éminents de la com¬munauté anglo-saxonne [les Haole] qui règne sans partage sur Hawaï les accueillent à bras ouverts. Tous expriment le désir de rencontrer le couple célèbre. Ils le convient aux réceptions officielles, partagent avec lui leurs loisirs, et le guident à travers les îles afin de lui faire découvrir les plantations de canne à sucre, d'ananas et de café, les grands ranchs de bétail, et les plus beaux décors de l'archipel.
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MAQUETTE DE PIROGUE A BALANCIER MESURÉE A HONOLULU EN 1839 bois, fibres végétales Maquettiste : Frédéric Baude, sur plans de François-Edmond Péris, 1873.
MAQUETTE DE PIROGUE DOUBLE DU ROI TAMEA MEA, HAWAÏ bois, fibres végétales Maquettiste : François Yves Couadoux fils, sur plans de François-Edmond Pâris, 1875
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MAQUETTE DE PIROGUE DOUBLE DU ROI TAMEA MEA, HAWAÏ bois, fibres végétales Maquettiste : François Yves Couadoux fils, sur plans de François-Edmond Pâris, 1875
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EVENTAIL PEAHI Hawaï fibres végétales Don Alphonse Moillet. 1851 Musée d'Histoire Naturelle de Lille
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CASQUE MAHIOLE Hawaï fibres végétales 2.1106 Don Alphonse Moillet. 1851 Musée d'Histoire Naturelle de Lille
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Autrefois utilisée par les chefs pour affirmer leur autorité, la pratique du surf a été ardemment combattue par les premiers missionnaires protestants. Sous leur influence, elle a quasiment disparu de l'archipel. Sur la plage de Waikiki, le courage et l'adresse des quelques passionnés qui partent affronter la puissance de l'océan sur une simple planche de bois forcent l'admiration de Jack London. Il qualifie cette discipline de « sport royal pour les princes de la terre ». Il en acquiert les rudiments auprès d'Alexander Hume Ford, un journaliste américain globe-trotter, et de George Freeth, un jeune métis hawaïen de 23 ans qu'il compare à « un jeune dieu bronzé par le soleil ».
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Au milieu des années 1860, à le suite d'une épidémie, le roi Kamehameha V décide de regrouper tous les lépreux de l'archipel sur l'île Molokai. Condamnée à l'isolement, la colonie se structure peu à peu grâce à I action des missionnaires. À l'époque où les London sont à Hawaï, l'île Molokai abrite 800 lépreux et continue de souffrir d'une terrible réputation. À la demande du directeur du Bureau de la santé, Jack London se rend sur place avec Charmian pour écrire un article capable de faire évoluer le regard sur la maladie. Il y séjourne une semaine, et son texte rend compte en détail du quotidien des habitants qui, malgré leurs souffrances physiques et l'éloignement de leurs proches, « forment une colonie de gens heureux ».
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STATUE DU DIEU AIKII KALAIPAHOA Hawaï bois Trouvée vers 1910 à Makaeo, près de Kailua sur nie Grande Hawaï Exposée au Bishop muséum. Honolulu. de 1919 à 1936 ? comme prêt de la Mission Catholique de Hawaï Musée R Damien - Pères des Sacrés-Cœurs. Arrivé en 1873, le père Damien, catholique belge né Jozef De Veuster est le premier à s’établir à Molokai pour vivre au côté des lépreux. Il contribue largement au développement de la communauté, avant de contracter lui-même la maladie. Il décède sur l'île en 1889.
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L'archipel des Marquises est intégré en 1842 aux E.F.O. (Établissements français de l'Océanie]. Nuku Hiva avait été longuement décrite par Herman Melville [1819-1891] dans son roman autobiographique Taïpi [1846] : jeune matelot, Melville avait déserté un vaisseau baleinier et s'était caché ici trois semaines au sein de la tribu des Taîpis, cannibales redoutés dans tout l'archipel. Ce récit avait nourri les rêves de Jack London depuis l'enfance. L'île reste peu visitée, et, dans la baie de Taiohae, Jack et Charmian découvrent un décor féerique et sauvage. Ils sont cependant frappés par le terrible déclin de la population, qui n'a pas résisté aux maladies apportées par les Blancs et souffre massivement d'asthme et de tuberculose. À la différence d'Hawaï, ils partagent de longs moments avec les indigènes. Ils ont emporté avec eux leur gramophone et leur collection de disques, et une foule de Marquisiens les rejoint souvent le soir pour écouter des chansons populaires américaines, des airs d'opéra et des hulas hawaïens. Ils assistent aussi à une grande fête traditionnelle, donnée par un métis pour commémorer le décès de sa mère, et collectent de nombreux objets d'art océanien.
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MASSUE U’U Iles Marquises. Bois.
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EVENTAIL TAHU Nuku Hiva, Îles Marquises fibres végétales, bois. Collecté en 1800 ou en 1843-44 Don P-A Lesson Musée d'Art et d'Histoire, Ville de Rochefort COIFFE DE TUHUNA PAÉ KOU AÉHI Îles Marquises fibres végétales Collectée en 1840 auprès du Tuhuna Maî-Taua Don P-A Lesson Musée d'Art et d'Histoire, Ville de Rochefort ETRIER D’ECHASSE TAPUVAE Nuku Hiva, Îles Marquises Bois Collectée entre 1843 et 1845 Collection Edmond Ginoux de la Coche Musée de la Castre, Cannes PARURE DE TÊTE PAEKAHA Tahuata, Îles Marquises Coquillage, écaille de tortue, tapa, fibres, nacre Collectée entre 1843 et 1845 Collection Edmond Ginoux
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PARURE DE TÊTE PAEKAHA Tahuata, Îles Marquises Coquillage, écaille de tortue, tapa, fibres, nacre Collectée entre 1843 et 1845 Collection Edmond Ginoux de la Coche Musée de la Castre, Cannes
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ETRIER D’ECHASSE TAPUVAE Nuku Hiva, Îles Marquises Bois Collectée entre 1843 et 1845 Collection Edmond Ginoux de la Coche Musée de la Castre, Cannes
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BRACELET Hawaï Dents de cochon, fibres végétales. Don Alphonse Molllet, 1851
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COLLIER LEI NlHO Hawaï Dent de cachalot, cheveux, fibres végétales Début XIXe siècle. Don P A Lesson Musée du quai Branly-Jacques Chirac, Paris
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ORNEMENT DE TÊTE UHIKANA Îles Marquises Coquillage, écaille de tortue, fibres végétales Musée du quai Branly-Jacques Chirac, Paris
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ORNEMENT D’OREILLE PUTAIANA Îles Marquises Coquillage, os humain
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ENSEIGNE DE TATOUEUR PAPAOA Îles Marquises bois Fin XIXe siècle - don M. Baule Musée du quai Branly-Jacques Chirac, Paris. ENSEIGNE DE TATOUEUR PU IHU Îles Marquises Bambou gravé. Musée d’Aquitaine, Bordeaux.
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STATUE TIKI. Nuku Hiva, îles Marquises bois Collection Edmond Ginoux de la Coche Musée de la Castre, Cannes. TIKI OU LA VOIE DES ANCÊTRES Le tiki, image puissante, mi-homme, mi-dieu, était une figure omniprésente dans la société polynésienne : à la fois ornemental et protecteur. Il reste un élément fondamental de l'art marquisien. Tatoué sur le corps ou sculpté sur de nombreux objets. Il évoque le statut social ou le prestige d'un Individu. Parmi les nombreux récits de ses origines, l'un d'eux raconte que Tiki créa Hina-tu-na-one à l'aide de sable. Avec elle, il engendra les premiers humains puis créa ‘lîle de Nuku Hiva pour que ceux-ci puissent vivre. Pensant ne plus le revoir, les habitants de l’île sculptèrent une pierre à son image, le premier tiki.
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La découverte de la vallée de Taïpi - où ils se rendent 60 ans après Herman Melville - est une tragique déception pour Jack et Charmian London. Deux jours à peine après leur arrivée à Nuku Hiva, ils partent l'explorer, montés sur des poneys marquisiens. Mais, là où Melville décrivait près de 2000 guerriers vigoureux, ils ne rencontrent qu'une douzaine de survivants. Des anciens villages ne subsistent que les fondations de pierre. La jungle humide a reconquis son domaine, et la vallée semble devenue l'asile de la mort.
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Objets d'une longue rivalité avec l'Angleterre, les îles de la Société ont été progressivement intégrées au cours du XIXe siècle aux E.F.O. (Établissements français de l'Océanie], dont le gouvernement est installé à Papeete. Ici, le Snark navigue pour la première fois à travers lagons et récifs de corail, et l'équipage est émerveillé devant le spectacle des plages idylliques plantées de cocotiers. À Papeete, Jack et Charmian découvrent que la presse a de nouveau répandu la rumeur de leur naufrage. Suite à des erreurs de gestion en Californie, leur situation financière est devenue catastrophique. Ils interrompent momentanément la croisière et embarquent pour San Francisco sur un vapeur, afin de régler les problèmes et négocier de nouvelles avances auprès des éditeurs. À leur retour, concentrés sur leurs travaux littéraires, ils séjournent 6 semaines à Tahiti, et ne s'échappent que pour une brève escapade à Moorea. Si le couple est très critique vis-à-vis de l'administration française, il est par contre totalement conquis par la beauté et la gentillesse des Polynésiens, notamment à Tahaa et à Bora Bora
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MASQUE DE DEUILLEUR PARAE Tahiti, îles de la Société Nacres, fibres végétales Don Alphonse Molllet, 1851 Musée d’Histoire Naturelle de Lille. Aux îles de la Société, les divinités et autres esprits pouvaient être représentés sous différentes formes. Les to'o, réalisés en fibres végétales sur une âme de bois et ornés de plumes rouges, incarnaient le dieu de la guerre 'Oro. Conservés à l'abri des regards, ils étaient sortis à l'occasion de cérémonies importantes, comme lors d'une intronisation. L'impressionnant costume de deuilleur, porté à la mort d'un chef, compte parmi les objets les plus prestigieux d'Océanie : le masque, le pectoral et le tablier étaient réalisés entièrement en nacre, un maté¬riau rare provenant des îles Tuamotou par le biais d'échanges de valeur.
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A la fin du XIXe- siècle, les Samoa ont été l’enjeu d’une domination coloniale entre l’Empire germanique, la Grande-Bretagne et les États-Unis. À la suite de violents soulèvements indigènes, un traité a finalement été signé le 2 décembre 1899 : l'archipel est scindé en deux parties, la partie occidentale revenant à l'Allemagne, et la partie orientale aux États-Unis. Le Snark jette d'abord l'ancre sur l'île Ta'u, où Jack et Charmian sont reçus à la cour du roi Tuimanua, l'un des plus illustres de l'ancienne Samoa. Ils assistent au cérémonial du kava, partage rituel d'une boisson extraite de poivriers sauvages. Ils observent aussi la fabrication du tapa, étoffe confectionnée à partir d'écorce. Ils en acquièrent plusieurs, ainsi que des paniers, des éventails, et des Ils visitent ensuite la base américaine de Pago Pago, sur l'île Tutuila, puis Apia, sur l'île Upolu, le haut lieu du commerce samoan placé sous contrôle allemand. À Savai'i, leur dernière escale, ils assistent à une éruption volcanique, et ont la triste vision de villages dévastés par la lave.
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VÊTEMENT DE TAPA Îles Samoa Écorce battue, pigments. LE TAPA, UN LANGAGE SYMBOLIQUE Ces précieuses étoffes, appelées topo, ne sont pas tissées mais réalisées à partir de l'écorce interne d'un arbre [mûrier à papier ou ficus). Une fois retirée, celle-ci est battue longuement afin d'en écarter les fibres ; les bandes d'étoffes sont ensuite teintées, peintes à la main ou à l'aide de pochoirs. A la fois vêtement et support de communication, le tapa a de multiples fonctions dans la vie quotidienne des Polynésiens mais il est considéré comme une étoffe sacrée lors des cérémonies. La typologie des motifs et les couleurs utilisées forment un langage symbolique permettant d'identifier un peuple, les spécificités d'un clan ou de véhi¬culer un message divin.
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COIFFE Îles Samoa Cheveux, plumes, fibres végétales, coquillages, bois.
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Le roi Tuimanua Île Ta'u, Samoa 1908 Jack London Papers, The Huntington Library. San Marino, California
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Dans les pas de Robert Louis Stevenson À Upolu, Jack et Charmian London vont se recueillir avec une grande émotion sur la tombe de Robert Louis Stevenson, célèbre auteur de L'île au trésor. Après avoir visité les Marquises, les Tuamotu, Tahiti et les îles Gilbert, c'est ici que l'écrivain écossais avait choisi de s'établir. Celui que les Samoans appelaient Tusitala - le raconteur d'histoires - avait pris fait et cause pour ce peuple et n'avait cessé, par ses écrits, de dénoncer le chaos engendré par la présence occidentale. À Vailima, il avait fait construire sa maison, où il s'était éteint le 3 décembre 1894, emporté par une embolie. 500 Samoans avaient alors porté sa dépouille en haut du mont Vaea, et l'avaient enterré selon ses vœux.
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Fanny et Robert Louis Stevenson Îles Marquises 1888 National Library of Scotland
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Depuis 1874, les îles Fidji font partie de l'empire colonial britannique, un acte de cession à la Couronne ayant été signé avec les principaux chefs de l'archipel. Le Snark fait maintenant son entrée en Mélanésie, région d'Océanie qui offre un contraste radical avec les précédentes étapes du voyage : les terres y demeurent reculées et sauvages ; disséminés sur le littoral, missionnaires et négociants constituent souvent la seule présence occidentale. La Mélanésie - littéralement « îles noires » - est appelée ainsi en raison de la couleur de peau de ses habitants. Exploités sur les plantations, ces derniers souffrent d'une terrible réputation, et sont invariablement dépeints comme des chasseurs de têtes cruels et anthropophages. Aux Fidji, les London font une unique et courte escale sur l'île Viti Levu, Ils jettent l'ancre à Suva, capitale de l'archipel qui abrite le siège de l'administration britannique. Ils font aussi une excursion sur la rivière Rewa, qui leur permet de découvrir les hautes constructions fidjiennes d'un village traditionnel. Jack décide de renvoyer le capitaine du Snark, devenu imprévisible et violent
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COLLIER WASEISEI Iles Fidji Dents de cachalot fibres de coco Muséum dl'Histoire Naturelle de La Rochelle COLLIER TABUA Iles Fidji Dent de cachalot, fibres de de coco tressées
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TAPA Iles Fidji Écorce végétale battue, pigments Musée d'Histoire Naturelle de Lille.
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En décembre 1907, les Nouvelles-Hébrides (actuel Vanuatu] deviennent un condominium franco-britannique, sur lequel les deux puissances exercent conjointement leur autorité au titre de l'Entente cordiale. Comme dans le reste de la Mélanésie, les Nouvelles-Hébrides sont le siège de nombreuses guerres tribales. Beaucoup de missionnaires ont disparu de mort violente, et, dans cette région reculée, tous les Blancs conservent leur arme à portée de main. A Port Resolution, sur l’île Tenna, le Snark est rejoint par 200 indigènes a bord de pirogues. L'équipage est frappé par leur aspect : ils ne portent souvent que de simples cache-sexe et leur physique contraste totalement avec les canons de beauté polynésiens. Grâce à l'entremise d'un négociant D. Wylie - et ce malgré les mises en garde d'un missionnaire, le révérend Watt -, Jack et Charmlan effectuent une excursion à l'intérieur de île, où ils visitent un village isolé. Lors de l'escale suivante, sur l’île Éfaté, alors qu'ils marchandent des armes traditionnelles (arcs, flèches et massues], ils prennent de nombreuses photographies des guerriers rencontrés.
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MASQUE DE DANSE Nouvelles-Hébrides (Vanuatu) Bambou, pâte végétale, toile d'araignée, dents de cochon, pigments. Musée d'Arts Africains. Océaniens, Amérindiens, Marseille. La société des Nouvelles-Hébrides(Vanuatu) s’organisait selon un système de grades permettant aux hommes d’acquérir connaissances et du pouvoir. Lors des cérémonies de passage de grade, les futurs initiés confectionnaient, dans le secret, masques et parures de danse, souvent ornés de dents de cochon, biens d’échange précieux. Ces masques apparaissaient sur la place de danse où se dressaient de grandes
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POTEAU SCULPTE NAKAMAL Nouvelles-Hébrides (Vuanuatu) Bois Ancienne collection Savès, achat en 1884 Musée d'Aquitaine, Bordeaux
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PERSONNAGE DE DANSE Nouvelles-Hébrides (Vanuatu) Bambou, pâte végétale, toile d'araignée, pigments. Musée d'Arts Africains. Océaniens, Amérindiens, Marseille
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PRESTIGIEUX ET REDOUTABLES CASSE-TÊTE La société mélanésienne accordait une grande place à la guerre dans l’initiation des jeunes hommes : combattre et tuer permettait de recevoir la force nécessaire et d’accroître son prestige personnel. L'arme ayant tué un ennemi acquérait une certaine sacralité, devenant alors un objet rituel pendant les cérémonies. Le casse-tête était l'arme la plus utilisée pour le combat rapproché. Réalisé en bois à partir d’une souche d’arbre, il avait un nom spécifique correspondant à sa forme et son usage : parfois orné de bords tranchants pour briser l'adversaire, ou conçu avec une formé plus large afin de servir comme bouclier. Lorsqu'il devenait un objet de prestige, il était alors finement sculpté, orné de motifs ajourés, parfois incrusté d’ivoire.
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Depuis 1893, l'archipel des Salomon est un protectorat britannique, à l'exception des îles Bougainville et Buka qui sont placées sous autorité allemande. Les Salomon constituent une vaste zone commerciale sillonnée par toutes sortes d'aventuriers, de négociants et de trafiquants. Pour permettre les échanges, une langue commune à tous s'est développée, le « bêche-de-mer », qui mélange des mots locaux et des mots anglais. Dans ce dédale d'îles « cannibales », décrit par Jack comme « la frontière la plus primitive du monde », même le climat est devenu inhospitalier. L'air est chargé de miasmes, et tous sont régulièrement victimes des fièvres tropicales. Les London prennent pour base Guadalcanal, et s'installent sur la plantation de Penduffrynn, où l'on recueille le coprah, la pulpe séchée de la noix de coco. Le danger d'une révolte est permanent, et les bâtiments sont gardés jour et nuit. Depuis ce décor de bout du monde, ils explorent l'archipel durant 5 mois, poussant même le Snark jusqu'aux atolls de Ontong Java et Nukumanu, perdus au milieu de l’océan.
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ORNEMENT FRONTAL KAPKAP Îles Salomon Coquillage, écaille de tortue, fibres végétales Anciennes collections Royal United Services Institut Muséum Londres et James Hooper Fondation Musée Barbier-Mueller, Genève
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BOUCLIER DE PARADE Îles Salomon fibres végétales. Collecté par Jack London en 1908 devant la maison du chef Ramant à Ugi Collection Jack London. Muséum California State Partes, USA CASSE-TÊTE Îles Salomon Bois, nacre. Musée d’Aquitaine, Bordeaux. BOUCLIER DE PARADE Santa Isabel. Îles Salomon fibres végétales, nacre, pâte végétale Fondation Musée Barbier-Mueller, Genève
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Largement répandu en Océanie au xix8 siècle, le phénomène des « blackbirders » vit alors ses dernières heures : ces aventuriers naviguent entre les îles sur des goélettes afin de recruter de la main d'oeuvre pour les plantations. Souvent embarqués de force, les Noirs « signent » des contrats de 3 ans et sont emmenés loin de leurs terres pour récolter la canne à sucre ou la noix de coco. Sur place, les planteurs peuvent arbitrairement prolonger leur engagement. En août 1908, Jack et Charmian London embarquent sur un de ces « bateaux-négriers », le Minota, et assistent à une campagne de recru¬tement dans la région de Malaita. Ils connaissent alors une de leurs plus périlleuses aventures : échoué sur le récif, le Minota est cerné par des guerriers mélanésiens, avant d'être sauvé par l'Eugénie, un autre bateau-recruteur.
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Jack London avec un garde du Minora Îles Salomon Août 1908 Courtesy of California State Parks Trois gardes du Minoto Îles es Salomon Août 1908 Courtesy of California State
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GRAND POTEAU CÉRÉMONIEL Ugi, îles Salomon bols Collecté par Jack London an 1908 Fondation Muaéa Barbier-Muallar, Genève
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GRAND POTEAU CÉRÉMONIEL Bois. Collecté par Jack London en 1908 devant la maison du chef Ramant à Ugi Collection Jack London. Muséum California State Partes, USA
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CRÂNES D'ANCÊTRE Îles Salomon os, fibres, dents, coquillages, pâte végétale, nacre, cheveux Ancienne collection H. Gastaut. Musée d'Arts Africains, Océaniens, Amérindiens. Marseille
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CRÂNE TROPHEE OU CRÂNE D’ANCÊTRE ? Si la plupart des peuples mélanésiens «chassaient» les têtes de leurs adversaires, ils conservaient aussi celles de leurs défunts. Le culte des ancêtres occupait une place très importante dans leur culture. Dans l'archipel des Salomon, les crânes humains étaient conservés dans des maisons funéraires : certains crânes étaient seulement nettoyés, puis ornés de grands coquillages représentant des monnaies d’échange de grande valeur. D’autres étaient surmodelés à l'aide d'une pâte végétale noire, puis décorés de morceaux de nacre, reproduisant les yeux et les peintures faciales du défunt.
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San Cristobal, îles Salomon bois, coquillages, fibres, résine Musée du quai Branly-Jacques Chirac. Paris
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PECTORAL SA'ELA'O San Cristobal, îles Salomon coquillage, fibres végétales Don du Prince Roland Bonaparte Musée du quai Branly- Jacques Chirac. Paris
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ORNEMENTS DE NEZ ASANA MAKA Ontong Java, îles Salomon Écaille de tortue, rivets de cuivre Collectés par Jack London lors d'une courte escale à Ontong Java en septembre 1908 Collection Anthony Meyer. Paris
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SCULPTURE RELIQUAIRE AIRI Santa Anna, îles Salomon bols, nacre
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PIROGUES MONUMENTALES ET CHASSE AUX TÊTES Dans une partie des îles Salomon, de grandes pirogues étaient utilisées pour les expéditions guerrières et la chasse aux têtes : peintes en noir, ornées de sculptures et de coquillages incrustés, elles pouvaient recevoir 30 à 40 guerriers lors de ces raids qui eurent lieu jusqu'à la fin du xix" siècle. Cette pratique fut ensuite officiellement in¬terdite par l'administration coloniale. Des figures de proue nguzunguzu étaient fixées au-dessus de la ligne de flottaison, à l'avant des pirogues : elles incarnaient les esprits de la mer et protégeaient les hommes pen¬dant leur expédition maritime. Leur décor contrasté de bois noirci incrusté de nacre visait à éblouir et hypnotiser l'ennemi.
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COUPE CÉRÉMONIELLE Région de Star Harbour, Santa Ana, îles Salomon Bois, fibres végétales, nacre, pigments Ancienne collection du Earl of Glascow Collectée avant 1855 Fondation Musée Barbier-Mueller, Genève
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COIFFE Mélanésie Dents de requin, fibres végétales Collectée par Jack London en 1908 Collection Jack London, Muséum California State Parks. USA
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BÂTON DE DANSE Îles Salomon bois Collecté par Jack London en 1908 Collection Jack London. Muséum California State Parks. USA BÂTON DE DANSE Îles Salomon bois Collecté par Jack London an 1908 Collection Jack London, Muséum California State Parks, USA
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FIGURE DE PROUE DE PIROGUE Nouvelle Géorgie, Iles Salomon bois, nacre, résine, pigments Don du Prince Roland Bonaparte Musée du quai Branly-Jacques Chirac, Paris
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Aux îles Salomon, la croisière du Snark finit par tourner au désastre. Durant les derniers mois, la santé des membres de l'équipage ne cesse de se dégrader. Le Snark devient un véritable navire- hôpital. Certains souffrent de la malaria, d'autres de la fièvre noire. Tous développent de terribles ulcères cutanés. Jack a aussi contracté une mystérieuse maladie : la peau de ses mains et de ses orteils pèle de manière dramatique. Il peine désormais à saisir le moindre filin, et même à tenir un crayon. Il est opéré en urgence à Sydney, mais, les médecins australiens ne parvenant pas à stopper la dégradation de ses mains, il doit se résoudre à mettre un terme définitif au voyage en décembre 1908.
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Lorsque la croisière du Snark s'arrête brutalement chacun des membres d'équipage repart de son côté. Tehei et Henry, les deux matelots polynésiens, regagnent les îles de la Société. Wada, le cuisinier japonais rejoint Hawaï, et Martin Johnson, le mécanicien, décide de continuer son tour du monde par ses propres moyens. Après un séjour de convalescence en Tasmanie, les London embarquent sur le cargo Tymeric à destination de l'Amérique du Sud. Après avoir visité l'Équateur, le Panama et la Louisiane, ils retrouvent la Californie à la fin du mois de juillet 1909 après 27 mois d'absence. Sur son ranch, Jack London se rétablit rapidement. En consultant un ouvrage (Des effets de la lumière tropicale sur l'homme blanc], il découvre que le soleil des îles Salomon était la véritable origine de son mal, et que ses rayons avaient eu un effet destructeur sur les tissus de sa peau. Le 26 septembre 1910, il apprend la vente du Snark, confié à un négociant de Sydney. Cédé pour la somme de 3000 dollars, le bateau finira sa vie en Mélanésie, utilisé pour le transport de marchandises et le recrutement de main d'œuvre pour les plantations.
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30 ans (1878 - ?) À Raiatea, en Polynésie française, ce pêcheur polynésien aborde Jack depuis sa pirogue à balancier. Il emmène les London naviguer sur le lagon puis les invite chez lui sur l'île voisine de Tahaa où il les reçoit avec sa femme Bihaura. Tehei et Bihaura les accompagnent ensuite à bord du Sruirk jusqu' à Bora Bora où une partie de pêche au caillou sera organisée en leur honneur. Jack accepte que Tehei intègre l'équipage pour les escales suivantes. Tehei fera partie de l’équipe qui ramènera le Snark à Sydney où il découvrira la société industrielle, les ferry-boats, les ascenseurs... Fin mars 1909, il retourne à Bora Bora avec un sac marin rempli de tissus imprimés.
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SCULPTURE NARAMBAO Malekula, Vanuatu Fougère arborescente, bois, pâte végétale, pigments. Musée d'Arts Africains, Océaniens, Amérindiens. Marseille
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